LE DON DU VENT, UNE HISTOIRE MARSEILLAISE
Le Don du Vent est né dans l’Allemagne de l’après-guerre.
C’est pourtant auprès des voyageurs et des doux rêveurs de Méditerranée qu’il a trouvé́ sa raison d’être.
Voici son histoire singulière.
1940-1945 : NAISSANCE D’UN BATEAU DE GUERRE
L’Europe est en guerre. L’Allemagne a besoin de navires pour dominer les mers face aux forces alliées.
En 1941, la Marine du IIIe Reich ordonne la construction de plusieurs centaines de cotres adaptés à la pêche comme au combat : les Kriegsfischkutter, ou KFK.
Cette commande est remportée par Ernst Burmester, le propriétaire d’un grand chantier naval du Nord de l’Allemagne. Les travaux commencent en 1942 à Swinemünde, un port de la mer Baltique situé dans l’actuelle Pologne, sur des plans fournis par l’armée.
Le Don du Vent (qui est alors loin de porter ce nom !) fait partie des 400 Kriegsfischkutter construits dans ce chantier.
1945-1954 : PÊCHE ET PLAISANCE EN MER DU NORD
Au cours des derniers mois de la guerre, le port de Swinemünde est bombardé par les avions de l’Armée Rouge. Quelques KFK échappent aux destructions et sont convoyés jusqu’à Bremerhaven, sur la Mer du Nord.
En 1947, Ernst Burmester, le propriétaire du chantier responsable des KFK, crée une compagnie de pêche avec la dizaine de navires qui lui reste. Le numéro 8 de cette série est le Nordstrand, qui deviendra le Don du Vent. Ce bateau est sorti trop tard du chantier pour participer à la guerre : c’est donc la toute première fois qu’il navigue.
Quelques années plus tard, les progrès de la reconstruction allemande entrainent l’apparition d’une demande pour des navires de plaisance. Burmeister transforme alors ses bateaux de pêche en yachts de luxe et les met à la disposition d’Allemands aisés.
Bien qu’ils aient été conçus pour la guerre, les KFK se révèlent très adaptés à la plaisance, du fait de leur solidité́ et de leur grande navigabilité́.
1954 – 1957 : NOUVEAU NOM, NOUVEAU DESTIN
En 1954, le Nordstrand est racheté par Friedrich Wilhelm Sellschopp et sa femme Ursula, un couple fortuné installé à Lübeck.
Les nouveaux propriétaires le rebaptisent Fatima, du nom de la reine de Libye.
Ils entendent utiliser ce navire pour effectuer des croisières et des charters en mer Baltique. Mais la faiblesse de la demande et les mauvaises conditions météorologiques les conduisent à envisager une nouvelle activité en Méditerranée.
En 1957, le Fatima quitte l’Allemagne à destination de Cannes.
La traversée est difficile, avec une violente tempête dans le Golfe de Gascogne qui impose une escale à Toulon pour colmater quelques brèches.
Le navire parvient toutefois à bon port et s’amarre au quai Laubeuf, dans le vieux port cannois.
Les Sellschopp en confient l’exploitation à une agence de charters : la célèbre compagnie Glémot.
LES ANNÉES 1960-70 : L’ÂGE D’OR DU FATIMA
Par un heureux hasard, l’épouse du capitaine du Fatima se trouve être concierge à l’Hôtel Majestic, un lieu de villégiature incontournable pour les stars qui fréquentent alors assidûment la Riviera. De nombreux passagers illustres montent à bord du navire : Charles Chaplin, Cary Grant, Liz Taylor et Richard Burton pendant de leur voyage de noces en Europe, mais aussi Walt Disney, Audrey Hepburn, Juliette Greco, Aristote Onassis, etc.
Le compositeur américain Frederick Loewe (auquel on doit notamment les airs de My Fair Lady) passe souvent plusieurs mois par an à bord. Il dit apprécier “tout le confort allemand” qu’offre le bateau. Pour joindre l’utile à l’agréable, il fait installer un piano à queue sur le pont et compose face au large.
En juillet 1965, le magazine américain TIME-LIFE publie un reportage sur le Fatima dans lequel on voit Loewe et ses invités profiter d’une belle journée méditerranéenne. En mars 1971, c’est la revue LUI qui s’empare du sujet, signalant que “…sur le Fatima, les menus sont variés, les mets simples mais fort bons.”
Toutefois, le navire réclame un entretien constant. Des camions arrivent souvent d’Allemagne avec des cargaisons de pièces détachées, de cordages et de mobilier pour maintenir l’élégance et la navigabilité du Fatima. Cet entretien est complexe et coûteux : à partir du milieu des années 1970, la famille Sellschopp cesse de s’en occuper et l’état du navire se dégrade rapidement.
LES ANNÉES 1980 : UNE RENAISSANCE MARSEILLAISE
En 1979, Philippe et Margo Derain, un couple de Marseillais passionné de vieux gréements, rachètent le Fatima et se lancent dans sa restauration. Le bateau est alors en très mauvaise condition.
Afin de simplifier les travaux, le couple décide de ne conserver que la structure originelle en acier. Le reste (le pont, les superstructures, le gréement, etc..) fait l’objet de travaux extrêmement longs et minutieux sur des plans dessinés par Philippe Derain. Le chantier dure pas moins de treize ans !
En 1992, le navire, rebaptisé le Don du Vent et amarré dans le Vieux port de Marseille, est enfin prêt à reprendre la mer. Sa nouvelle vocation : montrer les splendeurs de la Méditerranée à des passagers, des entreprises, des équipes de tournage, etc. Il sillonne les côtes autour de Marseille, des calanques à la Corse, pendant la belle et la moins belle saison.
Le Don du Vent s’intègre alors profondément à la vie marseillaise : en 1999, la ville de Marseille affrète le Don du Vent pour célébrer les 2600 ans de la ville, en 2000 c’est le Don du Vent qui est choisi par la Croix Rouge pour l’opération « Méditerranée – un bateau pour la Paix », en 2007 le voilier devient d’intérêt Patrimonial et en 2013, c’est à bord qu’est célébré la cérémonie de clôture de l’année Marseille Capitale européenne de la Culture MP2013.
DEPUIS 2020 : UN NOUVEL ESPRIT, ENTRE EXIGENCE ET HÉDONISME
En 2020, Philippe et Margo cèdent Le Don du Vent à de nouveaux propriétaires amoureux de la mer : Fanny et Benoît Bouchet.
Fanny est une artiste-peintre originaire de la Côte Bleue. Benoît, né à Martigues, a obtenu le titre de capitaine en 2009 après une formation en mécanique, et se passionne pour l’élégance et la puissance du navire.
Si leur projet s’inscrit dans la continuité de celui des Derain, il est empreint d’un nouveau dynamisme, et de l’envie de faire du Don un lieu de vie et de rencontres. Pour le jeune couple, cet achat audacieux matérialise à la fois une ambition professionnelle et un rêve de vie en famille à Marseille.
Car c’est bien à Marseille qu’est née leur petite fille Constance, mousse émérite et joyeuse pirate du Don du Vent.
Tout savoir sur Le Don du Vent …
Nom | LE DON DU VENT |
Anciens noms | NORSTRAND, FATIMA |
Numéro d’immatriculation | 328969A |
Quartier d’immatriculation | MARSEILLE |
Type, série, ou nom local | KETCH AURIQUE, voilier de haute mer |
Architecte | Henry GRUBER WERFT |
Chantier constructeur | BURMESTER à BREMERHAVEN (n.2898) |
Date de construction | 1947 |
Genre à l’origine | Fischkutter type KFK |
Longueur hors tout | 30 m (avec le beaupré) |
Longueur coque | 23,60 m |
Longueur flottaison | 22,45 m |
Largeur Maître bau | 6,32 m |
Tirant d’eau | 2,70m |
Tirant d’air | 24 m |
Déplacement (en tonnes) | 100 t |
Jauge admin. (en tonneaux) | 65,82 tx |
Coque | construction composite – membrures acier, bordé en chêne (changes par iroko) – quille en chêne – lest en gueuses en fonte (30t.) à l’intérieur de la coque – étrave droite, arrière en tableau, quille longue |
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Pont & superstructures | pont latté en pin d’Orégon plus pont d’usure en iroko – timonerie et roofs (acajou) – plats bords niangon et lisses en iroko – descente avant, clairevoie, roof de descente et timonerie en acajou |
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Gréements | type, mâture, gréement courant, dormant, matériaux – ketch aurique avec mat de flèche – espars en bois – gréement dormant inox – gréement courant synthétique (tressé et toronné) |
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Voilure | artimon, grand voile, grand flèche, trinquette, foc, clin foc – toutes les voiles en dacron surface totale au près, environ 350m2 |
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Emménagements | trois compartiments étanches – avant avec 6 couchettes plus 2 cabines à 2 couchettes, descente avec soute à voiles – compartiment central – carré avec deux espaces salon et repas |
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Plus | espace cuisine-bar, boiseries acajou et contreplaqué blanc – compartiment arrière – coursive avec WC et salle de bain/WC, salle de machine, descente principale, et 4 cabines doubles – timonerie en surélévation, table à cartes et instruments de navigation 2 couchettes de quart – soute dans la voûte |
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Moteur | Bodouin 6R 120, 240 cv, de 2001, propulseur d’étrave |